Les actifs à risque ont vécu un mois de mai volatil en raison des incertitudes persistantes concernant la politique monétaire et les craintes liées au dépassement du plafond de la dette aux Etats-Unis. Au cours de la première semaine du mois, les investisseurs ont bien digéré les hausse des taux de la Réserve fédérale (Fed) et de la Banque centrale européenne (BCE). « Notre scénario intégrait ces deux hausses des taux. A l’image du marché, nous ne sommes donc pas surpris », souligne Véronique Riches-Flores, économiste et présidente de Riches-Flores Research. « L’ambiance s’est cependant progressivement refroidie en raison d’indicateurs économiques mitigés aux Etats-Unis et en Europe. « La préoccupation centrale des marchés financiers est désormais l’ampleur de la récession qui se profile. Sera-t-elle légère ou faut-il craindre une contraction importante et brutale, à l’image de la forte remontée des taux directeurs », commente Jacques de Panisse, gérant d’Optigestion. En parallèle, le ralentissement de l’inflation aux Etats-Unis, tombé en avril à son plus bas niveau depuis avril 2021, a conforté les anticipations d’une pause dans le cycle de resserrement monétaire de la Fed. En zone euro en revanche, le haut niveau de l’inflation en avril a contraint sans surprise la BCE à maintenir son discours offensif. A cet égard, Véronique Riches Flores se montre dubitative : « La présidente de la BCE, Christine Lagarde, a voulu contenter certains des membres de la banque centrale partisans d’une stratégie toujours plus offensive pour lutter contre l’inflation. Pour autant, aux vues de la faiblesse de la croissance sur le Vieux Continent et notamment en Allemagne, la BCE devrait encore relever d’un quart de point ses taux en juin avant un arrêt », estime l’experte, qui pense que l’institution devrait arrêter de relever ses taux pour préserver la conjoncture.
La dette américaine sème le trouble
Les actions ont également souffert durant la deuxième partie du mois d’un regain d’inquiétude sur l’évolution des taux de la Fed après les divergences affichées par son comité de politique monétaire. « Les marchés attendent le signal d’une pause de la Fed », confirme l’économiste indépendante. Dans ce climat attentiste, les interrogations sur la dette américaine ont ravivé l’aversion pour le risque. « Le risque d’un défaut des Etats-Unis n’a rien d’anodin pour l’économie mondiale », rappelle Véronique Riches Flores. A contrario, les marchés ont relégué au second plan les incertitudes géopolitiques comme les élections présidentielles en Turquie remportées par le président sortant Recep Tayyip Erdogan. Un succès qui s’explique en partie, selon l’économiste, par le bilan économique « décent » du président. Attention toutefois, des tensions géopolitiques, bien sûr en Ukraine mais aussi à Taiwan, « ne manqueront pas de provoquer de probables crises », avertit Jacques de Panisse. D’un point de vue sectoriel enfin, les valeurs technologiques liées à l’Intelligence artificielle (IA) ont tiré leur épingle du jeu grâce aux très bons résultats du fabricant américain de puces graphiques Nvidia, confortant ainsi le bien-fondé de l’investissement thématique promu par Roni Michaly, PDG de Financière Galilée.
L’industrie de la gestion d’actifs s’organise contre l’inflation
Alors que l’inflation rogne la rentabilité des placements, Emmanuel Angelier, à la tête du cabinet La Financière d’Orion, met en lumière la rémunération attractive du Livret A qui pèse sur les autres placements. « Spontanément, les clients placent leur argent sur le livret A », souligne Emmanuel Angelier. Fort de contrat, l’industrie de la gestion d’actifs réagit en mettant en avant les atouts de la gestion active à l’image de la Financière d’Orion qui rappelle les performances du fonds Europa One géré par Cholet Dupont et du fonds Edmond de Rothschild Fund Bond Allocation. De son côté, Financière Galilée a complété sa gamme de Fonds Interne Dédiés (FID) en proposant une offre 100% en ETF avantageuse en termes de coûts. « Avec des frais de gestion moindres et une transparence accrue, les ETF sont devenus une part intégrante de nos investissements financiers, depuis de nombreuses années », souligne Rony Michaly. Ossiam, pour sa part, continue de s’appuyer sur son point fort : l’analyse quantitative. Une stratégie qui porte ses fruits. L’an dernier, les encours de la société de gestion ont bondi de 28,35%, soit la plus forte évolution du secteur, selon le palmares 2023 des « 50 sociétés de gestion » qui comptent établi par Option Finance et Funds Magazine. Dans un environnement de marche incertain, l’Institut français de finance et d’économie comportementales (Iffec) a jugé bon de souligner les principaux apports de la finance comportementale, mais aussi les mythes qui lui sont attachés. A cet égard prévient l’association, « comme toute science, la manipulation des résultats et conclusions doit s’effectuer avec discernement et une certaine prudence ».
Le private equity pour tous
Dans le private equity aussi, les professionnels s’adaptent à la conjoncture. Soucieux de démocratiser l’accès de ce marché aux particuliers, Nicolas Baboin, cofondateur et directeur général de Tylia, se félicite que sa plateforme créée en 2015 accompagne Bpifrance dans la distribution digitale de son troisième fonds de private equity dédié aux particuliers. « Le retournement de cycle pousse le private equity à ouvrir de nouveaux canaux de collecte », commente Nicolas Baboin. Preuve de l’engouement croissance des investisseurs pour le private equity, CentraleSupelec a lancé en mai un fonds d’alumni dont la gestion a été confiée à Tygrow.
Les nouveaux entrants bousculent le marche de la SCPI
Du côté des Sociétés civiles placements immobiliers (SCPI), la jeune société Remake AM continue de se distinguer. Après une belle année 2022, la SCPI Remake Live a collecté 76 millions d’euros sur le premier trimestre, portant sa capitalisation a 195 millions d’euros. La SCPI, qui a réalisé le mois dernier deux acquisitions majeures en Irlande, continue de profiter de l’absence de frais de souscription. Ainsi, Remake AM, crée en début d’année 2022, se propulse à la 11e position du top 15 de la collecte du premier trimestre 2023, selon l’Institut de l’épargne immobilière et foncière (IEIF). Selon son président, Nicolas Kert, l’essor de sa SCPI devrait se prolonger à l’avenir grâce à sa capacité à atténuer les effets de l’inflation pour les investisseurs.